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Giuseppe Penone, article paru dans la revue art press on line

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Message par Pseudoprof Dim 20 Fév - 21:46

Giuseppe Penone : des veines, au ciel, ouvertes
n°375

Le musée des arts contemporains du Grand-Hornu (Belgique) accueille,
jusqu'au 13 février, une exposition monographique de Giuseppe Penone.
Les sculptures de l'artiste y sont déployées aussi bien dans les espaces
du musée que dans le jardin, où une œuvre pérenne a été installée.
Sculptures en bois, en bronze ou en argile, utilisation des arbres,
feuilles ou pierres : depuis ses débuts, Penone développe son œuvre sous
les auspices de l'environnement naturel et donc du temps, celui
nécessaire à l'adaptation de la main de l'artiste, à la métamorphose et à
l'appropriation du monde. Bernard Marcelis s'est entretenu avec
l'artiste sur l'évolution de son œuvre depuis son appartenance à l'arte
povera.
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Des veines, au ciel, ouvertes : ce titre poétique fait référence à Matrice
di linfa (Matrice de sève), la pièce la plus spectaculaire de
l'exposition que consacre le MAC's (musée des arts contemporains), au
Grand-Hornu, au sculpteur italien. Elle fait référence tant à l'anatomie
des arbres disséqués par Giuseppe Penone qu'à la géologie des anciennes
mines de charbon qui ont donné naissance au site du Grand-Hornu, sur
lequel est bâti le musée.
Si la qualité et l'intérêt d'une exposition
se mesurent à la capacité à entrer dans l'univers d'un artiste, on peut
dire que celle qui est actuellement dévolue à Giuseppe Penone au
Grand-Hornu en constitue une référence. De nombreuses conditions sont
nécessaires à la réussite d'une telle entreprise, et parfois elles sont
miraculeusement réunies, comme c'est le cas ici.
Une complicité tout
d'abord entre l'artiste et son commissaire, en l'occurrence Laurent
Busine, directeur et maître d'ouvrage du lieu, qui bénéficie d'une
parfaite connaissance du travail de Penone (1). Ils partagent un même
sens poétique enraciné dans l'humain et dans la vie. Ensuite, un
parcours de l'artiste qui soit fidèle à ses exigences premières, et qui
continue à en explorer différentes pistes et possibilités : une
interrogation permanente sur la sculpture, une approche presque
chirurgicale de la notion de temps, une expérimentation surprenante des
rapports entre les matières, ainsi que des mises en rapport d'échelle où
le travail se mesure à l'infini. Enfin, condition sine qua non, des
lieux qui permettent au travail de se déployer dans toute son autonomie
et toutes ses résonances entre les salles.
Les salles du MAC's n'ont
rien de convenu, si ce n'est leur qualité muséale - celle d'un site
patrimonial industriel et charbonnier. Aucune d'entre elles n'est
identique et, en les parcourant, on passe d'un siècle à l'autre presque
sans s'en apercevoir. Elles ont accueilli des expositions d'Anish Kapoor
(2004-05) et de Jean-Marc Bustamante (2008). Giuseppe Penone a trouvé
là un écrin exceptionnel à la monstration de son travail, dans tout ce
qu'il a de plus subtil au plus évident, du plus ténu au plus monumental,
mené dans le cadre d'une réflexion élargie tant sur le processus
sculptural que sur le champ d'intervention de l'artiste, du
microscopique à l'infini.
Si cette diversité des salles permet
précisément d'aborder la démarche de l'artiste dans sa diversité et sa
subtilité, cette approche est prolongée à l'extérieur, dans l'enceinte
même du site. Installées dans le cadre du récent bicentenaire de la
fondation du Grand-Hornu, les sculptures de la série des Pierres des
arbres, placées sous les frondaisons, nous rappellent que le travail de
Penone s'est toujours inscrit dans la nature. Que cette installation
soit désormais pérenne manifeste bien ce souci et ce dialogue avec
l'environnement naturel, tout en inserrant le travail dans une dimension
temporelle ouverte sur l'infini.

L'arbre et le temps

L'œuvre
de Giuseppe Penone ne peut évidemment être réduit à ses interventions
sur les troncs, les branches et les veines des arbres, même s'il s'agit
de son travail le plus emblématique, et sans doute le plus
spectaculaire. Ce qu'il revendique avant tout, c'est une démarche de
sculpteur, peu importe que la matière utilisée soit le bois, le bronze
ou l'argile. Matériaux certes des plus classiques, mais qu'il utilise
presque à la manière d'un archéologue, remontant à la source du
processus de fabrication, à la nature même du matériau. Autrement dit,
la dimension temporelle constitue un paramètre important, avec toutes
ses nuances. « Ce n'est pas que je travaille sur le temps, c'est que
certaines œuvres ont le temps, car, dans chaque action de l'homme, il y a
le temps. Dans les premières œuvres que j'ai réalisées sur les arbres,
le temps était un élément nécessaire, et c'était très évident, car
l'arbre devait pousser. Il y avait aussi l'idée que l'arbre est une
matière plastique qui pouvait être travaillée. Si on le regarde, si on
le touche, il est très solide. Mais le temps est toujours important dans
l'exécution. Beaucoup de choses se passent dans l'action. Il y a aussi
une connaissance, un apprentissage de l'objet et de la réalité de la
matière qui provient du fait que l'on travaille. Et c'est pour cela que
je travaille toujours moi-même sur mes œuvres. Cependant, je ne peux pas
tout faire, mais je dois d'abord connaître la matière et la forme ;
ensuite, je peux me faire aider par d'autres personnes, des artisans
(2). »
Cette figure de l'arbre, centrale dans l'œuvre de Penone,
dispose d'une place stratégique dans l'exposition. Elle occupe en effet
toute la longueur de la salle-pont, qui sert véritablement d'écrin à
Matrice di linfa, et dont le sol a été entièrement recouvert de peaux de
cuir, les dimensions de l'arbre semblant avoir été calculées en
fonction de cet espace précis. Les deux parties de la coupe
longitudinale de l'arbre sont placées en équilibre sur ses branches
écorchées. Le spectateur se retrouve ainsi dans un véritable
environnement, où le cuir, le bois et la résine végétale coulée dans le
tronc évasé semblent une nature pétrifiée, mais dont sourd une énergie
latente (3). L'impression qui se dégage de cette salle magistrale n'est
pas sans évoquer celle que l'on ressent quand on pénètre dans cet autre
travail de grande ampleur de Penone au Centre Pompidou, Respirer
l'ombre, où des masses de feuilles de laurier compactées derrière des
treilles en fer tapissent la salle, comme une isolation acoustique.

La géométrie dans les mains

Assez
rarement montrée, cette série, installée dans une salle qui lui est
spécifiquement réservée, bénéficie d'une mise en valeur particulière. Il
s'agit de six énormes masses de bronze d'allure brute et informe
desquelles émanent autant de formes géométriques classiques (carré,
rectangle, triangle, triangle semi-courbe, rond, ovale) coulées dans un
acier inox. Leur brillance contraste avec l'aspect rugueux du bronze, et
leur surface polie reflète leur environnement immédiat dans de
multiples nuances de gris. Elles trouvent leur origine dans une ancienne
série des Cocci (Tessons, 1979), réalisée en plâtre à partir de formes
moulées dans le creux des mains. Même s'il a opté pour des formes
géométriques, le processus de départ n'a pas été modifié. Cette notion
de réceptacle à partir du corps ou d'un de ses fragments est récurrente
dans le travail de l'artiste, qui revient toujours à son travail de
sculpteur.
« Il y a toujours une adaptation du corps à quelque chose.
Il faut aussi que la main s'adapte aux formes, aux autres formes des
objets. On peut considérer la sculpture comme le négatif, le moule de la
sculpture. Mais quand on réalise une sculpture en terre, c'est le moule
qui donne la forme au volume de la terre glaise. On associe toujours
mon travail à l'iconographie de l'arbre, mais mon travail, c'est une
réflexion sur la sculpture, même dans les toutes les premières œuvres,
celles où l'on voit une main autour de l'arbre. »

Positif et négatif

Étroitement
liée à la notion de positif et de négatif, toute l'œuvre de Penone est
traversée par le médium photographique. Si, à l'origine, il s'agissait
de la seule façon de documenter des travaux éphémères ou réalisés dans
des endroits inaccessibles, sans volonté d'élaborer un propos de
création, la photographie est devenue le support spécifique de certains
travaux où le corps fait office de vecteur détourné d'une certaine
appropriation du monde. On évoque ici des séries bien connues des années
1970, comme Ren­verser ses propres yeux, où la pupille de l'artiste est
recouverte d'une pastille de miroir reflétant le photographe et
l'arrière-plan dans une déstabilisante mise en abîme de l'autoportrait,
ou encore Développer sa propre peau, qui pointe le monde selon le même
principe. Les Géométries dans les mains évoquées plus haut étant une
variante de matières et d'échelles différentes.
Cependant, la
perception d'une œuvre varie avec le temps, le contexte culturel ou même
les modes. « J'essaie de réaliser un travail qui ne soit pas
démonstratif. Mais, en même temps, si on enlève toute démonstration et
toute explication, il reste quelque chose qui a des capacités très
limitées dans le temps.
« Je me suis rendu compte que lorsque je
montrais un tas de pommes de terre (Patate, 1977) avec seulement cinq
éléments, les gens comprenaient cette pièce. Aujourd'hui, les gens ne le
comprennent plus. Dernièrement, j'ai exposé cette pièce en même temps
que des photos, et cela fonctionne. Parce que probablement, quand je
l'ai réalisée en 1977, les pommes de terre n'étaient pas un matériau que
l'on avait l'habitude d'exposer ; cela avait un sens dans le contexte
de l'époque. Aujourd'hui, on a tellement l'habitude de voir n'importe
quoi, que le tas de pommes de terres s'est banalisé. »

Fluides et contacts

Ces
deux termes pourraient assez bien caractériser la démarche de Penone,
lequel n'hésite pas à revenir sur certaines œuvres ou cycles antérieurs.
Ainsi, l'œuvre intitulée Pierres des arbres, récemment installée dans
les jardins du Grand-Hornu, découle d'un projet et d'un dessin de 1968,
réalisé sans autre suite et perdu dans une forêt en Italie. La
croissance des arbres est ici perturbée soit par des pierres trouvées
sur le site qui enserrent un tronc, soit par un élément provenant d'une
statue brisée et enfoncé entre deux grosses branches appelées à croître
malgré cette gène. L'intervention du sculpteur se limite dans ce cas à
la juxtaposition de deux matières, de deux éléments que, a priori, rien
ne rassemble, si ce ne sont les aléas et le passage du temps. On
retrouve ce même effet de contact et d'association entre le végétal et
le minéral dans Idées de pierre, une des œuvres maîtresse de son
exposition à la Villa Médicis, à Rome, en 2008, dont une variante est en
préparation pour sa participation à la prochaine Documenta de Cassel en
2012.
Pour Penone, l'espace de contact est celui de l'écorce, de la
peau, celui « entre la main qui modèle et l'argile », et, plus
fondamentalement, celui de « l'adhérence du positif au négatif de la
sculpture » (4). Une autre notion qui s'impose est celle de la fluidité,
symbolisée par une très belle pièce d'extérieur, Bifurcation (1991).
Ici, il s'agissait de souligner combien les « éléments fluides, l'eau,
la mer, l'arbre, par leur forme assez plane, sont proches de l'empreinte
de la main ». De la forme de cette main en bronze fichée dans le tronc
de l'arbre jaillit une source qui se perd dans le sol, là aussi comme «
une veine, au ciel, ouverte ».

(1)
Laurent Busine avait présenté une première exposition de Penone en
1986, au Palais des beaux-arts de Charleroi, Creuser la mémoire de la
boue.
(2) Toutes les citations sont extraites d'un entretien réalisé avec Giuseppe Penone le 30 octobre au Grand-Hornu.
(3) On a pu voir cette pièce monumentale à l'École nationale supérieure des beaux-arts, à Paris, en 2009.
(4) Giuseppe Penone, Respirer l'ombre (Écrits d'artistes), éditions de l'Ensb-a, Paris, 2008, p.277.

Giuseppe penone
Né en / born 1947 à / in Garessio (Piémont)
Vit et travaille en / lives in Italie
Expositions récentes / Recent shows:
2008 galerie Marian Goodman, Paris et New York ;
Villa Médi­­cis, Rome ; Frith Street Gallery, Londres ; Museo d'arte moderna, Bologne ;
AGO Art Gallery, Toronto
2009 Buchmann Galerie, Berlin ; Énsb-a, Paris ;
Ikon Gal­le­ry, Birmingham ; Toyota Municipal Museum
of Art, Toyo­ta ; Piazza del Duomo, Pietrasanta ;
Galleria Alfonso Artiaco, Naples ;
Museo de la Ciudad, Quito
2010 De Pont Museum of Contemporary Art, Tilburg ;
MAC's, Grand-Hornu
(31 octobre 2010 - 13 février 2011)
Pseudoprof
Pseudoprof
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